Quelques infos concernant au Portugal le bloc des gauches: nous vous proposons dans un premier temps un extrait d’un article de Alda Sousa, co-fondatrice du Bloc des gauches, membre de sa direction, et députée européenne de 2012 à 2014. Publié dans le n°25 de Contretemps, que nous pouvons lire dans les matières à penser sur le site d’Ensemble…A la fin de la page nous vous proposons une vidéo-causerie avec des militants du bloc:
… »Les années de la troïka et du Traité Budgétaire
En mars 2011, José Sócrates, Premier ministre du gouvernement du Parti socialiste, fait appel à la troïka (FMI, BCE et Commission européenne) pour « financer » le pays, sous prétexte qu’à la fin du mois d’avril il n’y aurait plus d’argent pour payer les salaires et les retraites. Peu importe que cela se soit avéré être tout à fait faux. Le mensonge s’est installé dans la société portugaise. Le mémorandum de la troïka a été signé par le PS, le PSD (parti conservateur) et le CDS-PP (démocrates-chrétiens) en mai 2011, alors que des élections législatives anticipées allaient avoir lieu début juin ; celles-ci se sont déroulées sur la base du fait accompli. Le « plan de sauvetage » de 78 milliards d’euros pour trois ans a été vendu par le gouvernement et les institutions européennes non seulement comme inévitable, mais surtout assorti de l’idée que les sacrifices étaient nécessaires pour passer ensuite à une situation meilleure. La gauche à la gauche du PS a perdu la bataille du sens commun : l’inévitabilité du « bail-out », l’idée que les gens avaient été trop dépensiers, que la dette serait le résultat de l’excès de dépenses publiques et de l’endettement des familles… Tout a servi d’argument pour faire accepter l’austérité, la baisse des salaires, les sacrifices, les privatisations. Les propositions du Bloc sur l’audit de la dette et sa renégociation ont eu peu d’écho. Même des gens qui auparavant votaient pour le Bloc ont préféré une gauche du type PS, dont les propositions étaient de limiter les dégâts et non pas de défendre un chemin indépendant et alternatif. Le fait que le Bloc (et aussi le PCP) ait refusé de rencontrer les représentants de la troïka a été assez mal perçu, comme si le Bloc avait abandonné les réponses concrètes pour devenir un parti trop idéologique et propagandiste. Quand il y a une banqueroute et que la peur s’installe, la situation est beaucoup plus difficile pour un parti comme le Bloc. Le PCP est toujours sûr d’avoir ses 7 à 8 %. Pour nous, il faut à chaque fois recommencer. En 2011, l’abstention a atteint le niveau record pour des législatives de 41 %. Fernando Rosas a dressé un bilan des élections de 2011 et des questions qu’elles ont posées au Bloco (http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article21873).
Avec la troïka c’est un nouveau cycle politique qui s’est ouvert. Les réformes ont représenté un saut qualitatif dans l’offensive du capitalisme, la fin du « business as usual ». La logique qui s’est installée est que l’État avait fait trop de dépenses publiques (éducation, santé, sécurité sociale) et que les gens avaient vécu « au-dessus de leurs moyens » en s’endettant. La recette proposée étant de diminuer les dépenses publiques, de couper dans les retraites et les droits sociaux. Si le chômage était déjà élevé (11,5 %), la recette a été de réduire les salaires (jusqu’à 20 %) et de libéraliser les lois du travail. Les licenciements ont été facilités, les indemnités et la durée des allocations chômage diminuées. Et surtout l’attaque contre les conventions collectives de travail : alors qu’en 2011 elles couvraient environ 1,3 million de travailleurs (1,9 en 2008), ce chiffre a chuté à 300 000 en 2014. En novembre 2012, pendant la grève générale et devant le parlement…
Cela montre la destruction de l’organisation des travailleurs ayant pour but d’atomiser les réponses et de détruire toute forme d’organisation et de lutte collective…. »
puis on connait la suite, trois ans après le congrès de 2012 en novembre 2015:
« Dans une alliance historique, le Parti socialiste (PS) s’est entendu avec les différents partis de la gauche radicale pour renverser le gouvernement de droite. Comme prévu, le premier ministre actuel, Pedro Passos Coelho, arrivé en tête aux législatives du 4 octobre, a été mis en minorité au Parlement, mardi 10 novembre. et voilà ce qu’il dit : Devant le Parlement, lundi, M. Passos Coelho a dénoncé « un programme de court terme et irréaliste, fondé sur le désir d’un retour à l’omniprésence de l’Etat », qui pourrait provoquer la « ruine du Portugal ». » On reconnait bien là le discours du « il n’y a point de salut en dehors des réformes », réformes qui ne sont pas des réformes en vérité, puisqu’il n’y a pas en l’occurrence de progrès social mais que nous devrions plutôt appeler des contre-réformes.
6 mois après qu’en est-il ?
Un article de Maryline DARCY paru dans Ouest-France le 1er juillet:
Après le Brexit, un Portugexit ?
L’extrême gauche, membre de la coalition au pouvoir à Lisbonne, menace d’un référendum sur le maintien du Portugal dans l’UE.
Mais que veut Catarina Martins? La dirigeante du Bloc de gauche (extrême gauche), partenaire indispensable de la coalition du Premier ministre socialiste, Antonio Costa, a appelé, cette semaine, à la tenue d’un référendum pour un éventuel » Portugexit », Mais seulement dans le cas où l’Union européenne prendrait des sanctions contre Lisbonne. En effet, le déficit public du Portugal a atteint 4,4 % du PIB en 2015, au lieu des 3 % autorisés par le Traité européen. La Commission européenne dira, le 5 juillet, si elle engage une procédure pour « déficit excessif »,
Pour Catarina Martins, ce serait une « déclaration de guerre, car le responsable est le gouvernement antérieur », autrement dit la droite au pouvoir jusqu’en novembre dernier.
La gauche a hérité de la quasi-faillite de la banque Banif, dans laquelle elle a dû injecter 2,5 milliards d’euros. Cela pourrait bien se répercuter sur les comptes de 2016.
Les déclarations de Martins ont fait sortir le Premier ministre de sa réserve. « Des sanctions, ce serait le signe que la Commission européenne ne comprend rien à ce qui se passe dans l’Union européenne! Nous serons à 3 % de déficit cette année, même la Commission l’admet. Mais elle m’a souvent déçu, aussi je ne serai pas surpris si elle me déçoit encore « -. a déclaré Costa.
Sa politique de sortie progressive de l’austérité, basée sur la relance de la consommation, n’est possible que parce qu’il a le soutien au Parlement du Bloc de gauche et des communistes. Elle commence à porter ses fruits. Mais Costa a une marge de manœuvre étroite. Il redoute en réalité davantage une crise politique que ces menaces de « PortugexiT ».
réponse de la commission: « Les ministres des finances de l’Union européenne (UE) ont constaté, mardi 12 juillet, que l’Espagne et le Portugal n’ont pas respecté leurs engagements dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance. La Commission européenne avait déjà établi ce constat jeudi 7 juillet, rappelant que, pour l’année 2015, Madrid a enregistré un déficit public de 5,1 % de son produit intérieur brut (PIB), bien au-dessus des 4,2 % attendus par Bruxelles. Et que Lisbonne a affiché 4,4 % de déficit, au lieu de 2,7 % prévu…. »
La Commission Européenne va proposer au Parlement Européen la suspension de 16 fonds structurels au Portugal qui sont financés par Bruxelles comme sanction du fait de ne pas avoir respecté la limite du déficit public de 3% du PIB.
Dans la lettre envoyée par le vice-président de la Commission au président du Parlement Européen, Martin Schulz, on propose l’ouverture d’un « dialogue structurel » en septembre entre ces deux organismes, pour qu’il soit décidé « le cadre et l’ampleur » de la suspension de financement qui sert comme sanction pour le fait de ne pas avoir respecté la limite de 3% du déficit établi dans les règles communautaires.
Dans cette lettre, publiée par la SIC en début d’après-midi et à laquelle Lusa a eu également accès, on argumente que les règles des Fonds Structurels “prévoient que des parts de ces Fonds soient suspendues si le Conseil décide qu’un Etat membre n’a pas pris les bonnes mesures pour répondre aux recommandations émises dans le contexte de la procédure des déficits excessifs ». Alors que dans le même temps, « face aux risques grandissants qui pèsent sur l’économie mondiale », le Fonds monétaire international a appelé ce 23 juillet certains pays du G20 à doper leurs dépenses publiques pour soutenir la croissance. Une position qui serait appuyée par Paris et Washington, en opposition à l’Allemagne…
Rappelez vous du sauvetage de la banque Banif.
« Moins d’un an et demi après la chute de Banco Espirito Santo, le Portugal a été pris par surprise, par l’injection de 2,3 milliards d’euros d’aide publique dans la banque Banif, vendue à l’espagnole Santander une fois expurgée de ses actifs problématiques. (vu dans l’expansion/ l’express et les échos…)
La Banif est vendue « pour 150 millions d’euros à Santander Totta« , filiale portugaise de la banque espagnole mais « un ensemble très restreint d’actifs problématiques » reste entre les mains des actionnaires, principalement l’Etat, a annoncé la Banque du Portugal .
L’opération prévoit aussi « une aide publique de 2,255 milliards d’euros pour couvrir de futurs imprévus« , dont 489 millions d’euros apportés par le Fonds de résolution alimenté par les banques opérant au Portugal et le reste directement par l’Etat portugais.
A l’époque, la Banque du Portugal avait annoncé l’injection de 4,9 milliards d’euros, dont 3,9 directement par l’Etat, dans une nouvelle structure baptisée Novo Banco rassemblant les actifs sains de BES, que la Banque du Portugal n’a toujours pas réussi à vendre…
La vente de Banif « a un coût très élevé pour les contribuables« , a reconnu le Premier ministre socialiste Antonio Costa à la télévision portugaise, « mais c’est, dans le contexte actuel, la solution qui défend le mieux l’intérêt national« .
La Commission européenne a indiqué lundi avoir « approuvé le plan portugais« , précisant que l’aide publique pourrait même aller « jusqu’à 3 milliards d’euros« en tenant compte du coût du transfert des actifs toxiques, estimé à 422 millions d’euros, et d’une marge de sécurité.
L’injection d’argent public compromet cependant l’objectif du gouvernement portugais de passer, dès cette année, sous la barre des 3% de déficit public. Un Conseil des ministres extraordinaire s’est réuni pour approuver un budget rectificatif. …et pendant ce temps-là: l’achat de la Banif par Santander, première banque de la zone euro en termes de capitalisation boursière, intervient à l’issue d’un processus éclair, dix jours à peine après l’annonce de sa mise en vente.
« Cette opération augmente de 2,5% la part de marché de Santander Totta au Portugal, qui devient la deuxième banque privée du pays avec 14,5% du marché« , s’est félicitée la banque espagnole… «
Le Portugal devra-t’il être sanctionné pour avoir soutenu les banques et de les avoir bradées ensuite à d’autres banques privées? Et si on pensait NATIONALISATION ?
Décision de la Commission Européenne
Suite du feuilleton: le 27 juillet la commission européenne prend une autre direction et décide d’annuler l’amende financière de Lisbonne et de Madrid…quoique..
Ouest-France titre ce 28 juillet: Bruxelles gracie l’Espagne et le Portugal mais sanctionne la Pologne.
Madrid et Lisbonne en sursis C’était une décision délicate à prendre. La Commission européenne a préconisé hier l’annulation des sanctions financières pour dérapage budgétaire contre le Portugal et l’Espagne. Ce qui devrait être validé par les ministres de la zone euro.
Les amendes « n’auraient pas été comprises par des peuples qui ont fait d’énormes sacrifices ». a indiqué le commissaire Pierre Moscovici, notant que Madrid et Lisbonne ont promis de mener de nouvelles réformes.
Les deux pays sont visés pour leur déficit budgétaire, supérieur aux objectifs qui leur sont fixés par Bruxelles. La Commission avait tardé à lancer la procédure à cause des instabilités politiques en Espagne.
Bruxelles annule les sanctions mais ne baisse pas la garde. Le Portugal doit ramener son déficit public à 2,5 % du PIB d’ici à fin 2016 et l’Espagne à 2,2 % d’ici à 2018.
La Pologne sur la sellette :
Varsovie est moins chanceuse. La Commission lui a lancé hier un ultimatum pour revoir le fonctionnement de son tribunal constitutionnel. Malgré des évolutions positives, la juridiction ne peut toujours pas assurer de véritable contrôle.
Si la situation ne s’améliore pas, Bruxelles pourrait suspendre les droits de vote de la Pologne au sein de l’Union européenne. Une décision délicate dans un pays dirigé par un parti eurosceptique.
une vidéo mise en ligne en 2017 par des militants d’ensemble:
» Nous sommes allés à la rencontre de Sara et Bruno, deux militants du Bloco de Esquerda, le bloc de gauche portugais. A travers leur parcours politique et la trajectoire de leur parti, ils nous expliquent comment pour la première fois dans le système politique portugais, le gouvernement PS est soutenu aujourd’hui au parlement par la gauche : le Bloco de Esquerda et le Parti Communiste (PCP). Comment cet accord politique inédit a pu voir le jour et comment se présente-t-il ? Comment le Bloco a réussi jusqu’ici à travailler avec le PS sans se renier ? Ces deux récits croisés racontent aussi l’histoire récente des luttes sociales au Portugal contre les cures d’austérité imposées par l’Europe et mises en œuvre par les gouvernements libéraux qui se sont succédés depuis une quinzaine d’années. »