proximité et démocratie

Gérard Brovelli nous interpelle sur le lien « proximité et démocratie », c’est une première étape; après il nous faudra envisager la notion de service: comment peut il être compatible avec la question des biens communs, comment s’organise le débat avec les citoyens sur les décisions politiques de la cité, quelles inscriptions dans les instances décisionnelles des citoyens?

« Avec les trois lois de réforme terri­toriale votées en 2014 et 2015, s’a­morce sans doute un changement radical dans la vie démocratique locale.

Notre modèle se fondait sur l’orga­nisation républicaine, née en 1789 et consolidée au début de la Troisième République. Il avait beaucoup é­volué dans la seconde moitié du XXe siècle en faisant une place plus grande aux collectivités décentra­lisées, mais il continuait de reposer sur la commune, siège principal des services publics de proximité et lieu d’exercice de la démocratie locale.
La vivacité de cette démocratie là tient en peu de chiffres: plus de 530 000 élus communaux en 2014, et presqu’autant de citoyens prêts à prendre le relais ; un électeur sur cent est conseiller municipal. C’est sur cette réalité que se fondent l’exer­cice du pouvoir démocratique et l’ap­prentissage du débat sur la chose publique. La particularité française de « l’émiettement communal « , tant critiquée par la bureaucratie’ d’État, a été, en réalité, la source principale de notre vie démocratique.
Elle présente certes des inconvénients, notamment en termes de moyens mobilisables, d’efficacité et de coordination (en fait largement atténués par l’intercommunalité). Mais les avantages de la proximité sont irremplaçables pour le contrôle citoyen et démocratique, sur les élus et l’administration locale.
Avec les réformes votées, ce mo­dèle va profondément changer, sans que cela donne lieu à un véritable dé­bat politique d’orientation. Qu’ont en commun le renforcement des métro­poles (loi Maptam de janvier 2014), les super-régions (loi de janvier 2015), les grandes intercommunali­tés à 15 000 habitants au moins (loi d’août 2015) et I’incitation de l’État au regroupement communal? Toutes é­loignent les électeurs des centres de décision et professionnalisent davan­tage les élus. Elles témoignent aus­si de l’abandon de la notion d’admi­nistration territoriale telle qu’elle s’est développée depuis plusieurs décen­nies.

proximité et démocratie
Conseil de Loireauxence

Car cette concentration des pou­voirs de décision au sein de col­lectivités plus grandes va s’ac­compagner du développement d’administrations locales plus puissantes et plus éloignées des citoyens : seuls des élus profes­sionnels pourront exercer correc­tement leur mandat de supervision.

« La victoire du courant technocratique »

En quoi les « services des métropoles sont-ils accessibles et contrôlés par les citoyens? En quoi une commune fusionnée de 15 000 ou 20 000 ha­bitants en milieu non urbain apporte­ra-t-elle un meilleur service? En quoi les services d’une région grande comme l’Autriche seront-ils proches des citoyens et même des élus? Quels que soient les mérites de la démocratie participative, elle ne rem­placera jamais le contrôle de proxi­mité des citoyens sur l’administration locale.
Dans dix ou vingt ans, les Français ne connaîtront pas plus le nom de leurs responsables locaux qu’ils ne connaissent aujourd’hui leur pré­sident de conseil départemental, et l’on s’étonnera sans doute du déclin de la participation démocratique. Depuis un demi-siècle, deux cou­rants s’affrontent sur la réforme de l’administration décentralisée. L’un, technocratique, privilégie l’efficacité gestionnaire. L’autre, démocratique, privilégie la proximité. Avec les idées de la nouvelle gestion publique qui guident toutes les réformes en cours, le premier courant est en passe de triompher. »

Gérard Brovelli, maître de conférence honoraire
à l’université de Nantes.

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