« on ne gagne pas contre le terrorisme par un état d’exception »Julien Dray 22 juillet 2016
N’a-‘il pas voté à chaque fois la prolongation de l’État d’urgence ?
16 février 2016, vote au parlement, intervention de Noël Mamère:
« …..Trois mois après, je dois avouer que les faits ont confirmé cette analyse. L’état d’exception, que nous appellerons « état de sécurité », est devenu la règle de la République.
Une révolution est en effet à l’œuvre. Elle transforme subrepticement notre société de liberté en société de la surveillance et du soupçon. C’est pourquoi notre débat n’a rien d’anodin : il concerne tous les citoyens, pas seulement les personnes dites « ciblées ». Quand l’état d’exception sera devenu un état permanent, après la honteuse réforme du code pénal et du code de procédure pénale que le Gouvernement prépare, les Français prendront la mesure des dégâts et se rendront compte que cela n’arrive pas qu’aux autres…
La motion de rejet préalable que je présente devant vous va s’efforcer de répondre à cinq questions : ces mesures sont-elles réellement nécessaires et proportionnées pour prévenir de futurs attentats terroristes, objectif proclamé par François Hollande dès le 13 novembre et motif invoqué pour les proroger ? Ces mesures ont-elles été efficaces et quelle évaluation peut-on en faire ? La prorogation de l’état d’urgence est-elle justifiée et les mesures contenues dans la loi de 1955 sont-elles suffisantes pour lutter contre les fascistes religieux ? Quelles catégories de la population sont-elles visées par l’état d’urgence, n’est-on pas en train de construire délibérément un ennemi de l’intérieur ? L’état d’urgence permanent ne débouche-t-il pas sur un état d’exception qui modifie les règles de droit et provoque une transformation radicale de notre société sous couvert de guerre contre le terrorisme ?
Pour nous convaincre de la nécessité de cette nouvelle prolongation, monsieur le ministre, vous alignez pêle-mêle dans votre exposé des motifs les actes terroristes déjoués en France et ceux qui ont abouti à l’étranger. Vous évoquez également « un bilan opérationnel conséquent au-delà des seuls constats chiffrés ». Or si l’on s’en tient au strict domaine de lutte contre le terrorisme, ce fameux bilan est assez médiocre, et même négligeable, on peut l’affirmer aujourd’hui. Le contrôle de l’état d’urgence par l’Assemblée nationale a été confié à la commission des lois. Celle-ci effectue un travail statistique qui ne peut permettre de rendre compte de la réalité sur le terrain, au contraire des lanceurs d’alerte comme Amnesty International, Human Rights Watch ou encore La Quadrature du Net, qui ont mené un vrai travail d’enquête qualitative, ce que n’a pas fait la commission dans ses deux rapports successifs.
Quelques chiffres maintenant, connus de tous : au 12 février 2016, sur 3 340 perquisitions administratives, il n’y a eu que 5 procédures concernant des faits de terrorisme, contre 202 au titre du chef d’infraction à la législation sur les stupéfiants ; 24 autres procédures ouvertes ne visent pas l’acte terroriste mais le délit d’apologie du terrorisme ; en fait, 74 % des procédures concernent la législation sur les armes ou les stupéfiants, la plupart ayant été réalisées dans les premiers jours d’application de l’état d’urgence, soit avant la mi-décembre 2015. Ces milliers de perquisitions de domicile, de restaurant, de mosquée, ces centaines d’assignations à résidence, ont juste révélé leur inefficacité, démontrée dans les deux rapports de la commission de contrôle du Parlement.
Tout ça pour ça, serait-on tenté de dire « ….
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants | 246 |
Nombre de suffrages exprimés | 243 |
Majorité absolue | 122 |
Pour l’adoption | 212 |
contre | 31 |