Alors que la direction de l’entreprise Goss à Montataire venait d’annoncer un PSE,
la CGT proposait un projet alternatif pour GOSS international, afin de garantir une activité et des emplois industriels sur le bassin creillois
Propriété, durant des décennies, du groupe allemand Heidelberg, l’usine de Montataire appartenait à une société de droit américain, Goss International, qui a pour actionnaire unique, depuis 2009 le groupe chinois Shanghai Electric Corporation.
La société est contrôlée pour le compte de celui-ci par le groupe Shanghai Electric. Ce dernier, partenaire des plus grands groupes industriels français de l’Energie comme Areva, Schneider, Alsthom, pèse près de 9 milliards de $ de chiffre d’affaires. Il dispose d’une situation financière très solide avec une trésorerie de 2,6 milliards de $. Après un premier plan de licenciements de 120 personnes invalidé pour non-conformité avec la loi par le tribunal de Senlis le 9 février 2010, un projet de transfert des brevets avorté en juin 2010, Shanghai Electric revient à la charge fin septembre 2010 avec un plan de 311 licenciements mais cette fois avec la menace de déposer le bilan si les représentants du personnel ne se plient pas très vite à ses volontés.
Pour contourner les règles du droit social et le contrôle du juge civil, Shanghai Electric décide d’instrumentaliser le tribunal de commerce et les procédures collectives pour accélérer la restructuration du site. Dès la fin du mois de février 2010, Shanghai Electric a décidé de recourir à un Mandataire Ad Hoc, ce qu’il fera fin juin, pour l’aider à restructurer vite et sans discussions. Le mandataire ad hoc n’a pas reçu pour mission d’aider la direction à trouver des accords avec les créanciers et à résoudre des problèmes financiers. Et pour cause : le financement de l’activité de la société et du plan de licenciements est en effet déjà assuré par Shanghai Electric.
« Fabriquant de rotative pour la presse, le marché est saturé. Par conséquent, pour la CGT, il y a nécessité de réfléchir à la diversification de son activité qui permette de pérenniser l’activité industrielle. Or, la direction du groupe a engagé une restructuration qui prévoit la suppression de la moitié des effectifs (soit plus de 310 emplois). Ce choix stratégique est très dangereux pour l’avenir du site. Comment peut-on laisser croire, que l’activité industrielle d’un site puisse être sauvée alors même que l’efficacité économique n’est pas prouvée et que l’élagage se fait essentiellement dans l’outil de production. Le plan de sauvegarde envisage un chiffre d’affaire constant et des bénéfices à zéro en 2012. « Nous sommes convaincus que cet énième plan de restructuration aura pour conséquence la disparition du site à très brèves échéances. »
Ainsi le syndicat CGT du site se bat sur le fond mais aussi sur la forme puisque, depuis le début, la direction a un seul objectif: faire aboutir son plan coûte que coûte, en voulant s’affranchir de ses obligations, et en bafouant les représentants du personnel et de fait les salariés.
Plus le temps avance, plus la direction durcit sa position en utilisant tous les moyens pour décrédibiliser les élus, et installer un climat de peur dans l’entreprise, avec le fameux chantage à l’emploi, très bien connu dans ce genre de situation. Le summum a été atteint avec l’organisation d’un soi-disant référendum par un collectif de salariés, salle, isoloirs, urnes, personnel au bureau de vote, utilisation de la messagerie interne, liste du personnel et huissier. Tous les moyens ont été mis à leur disposition par la direction avec quand même une question qui ne fait aucun doute sur le résultat du vote: « Etes-vous d’accord pour la mise en place du PSE, à savoir 323 postes conservés et un budget de 25 millions d’euros pour le PSE ? » C’est-à-dire, qu’on a demandé aux salariés d’être d’accord sur le fait que pour garder la moitié des effectifs, il fallait supprimer l’autre, soit de choisir entre la peste et le choléra.
La situation de l’emploi sur le département s’est considérablement dégradée dans les deux dernières années. C’est pourquoi, pour la CGT, il est important, lorsque des solutions existent, de se battre pour les mettre en œuvre. C’est dans ce cadre que le syndicat se bat pour mettre
en débat des solutions alternatives pour le site de Montataire.
La proposition de la CGT de diversifier l’activité par la production de pièces pour les éoliennes doit être prise en compte très sérieusement. Les salariés, la population, les élus, les pouvoirs publics doivent s’impliquer afin que le choix du développement de l’activité et l’emploi industriel s’impose. Le syndicat a interpellé le commissaire à la ré-industrialisation du département qui devrait prendre à bras le corps ce dossier et être porteur lui aussi de propositions alternatives. « Pourquoi vouloir ré-industrialiser après avoir détruit les emplois et l’outil de production, alors qu’aujourd’hui tout est là.»
La CGT a présenté le lundi 29 novembre à la presse son projet alternatif sur la fabrication de pièces pour les éoliennes. Elle s’appuie pour cela sur les atouts du site. Au vu des perspectives d’un marché en plein essor, l’entreprise peut donc assurer la maîtrise de fabrication de 7 composants et assurer l’assemblage des nacelles. De plus les compétences actuelles de Goss Montataire dans l’usinage de précision, l’assemblage d’éléments lourds et volumineux sont des atouts importants. Les salariés disposent de compétences, d’une technicité et d’une qualification d’un haut niveau et un bureau d’étude existe sur le site. Enfin, la surface sur le site, les outils de production du site peuvent accueillir cette production.
Avec l’appel au soutien des salariés, de la population, des élus, le combat de la CGT continue, malgré un climat social très tendu dans l’entreprise avec des pressions croissantes sur les syndiqués CGT.» Courrier Fédéral de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT N° 236
Le 17 novembre 2010, Ils étaient 342 sur 558 votants à se prononcer en faveur de la poursuite du plan social qui prévoit la suppression de plus de 300 postes et un budget de 25 millions d’euros. Le tout, pour éviter la fermeture. « Lors de ce référendum, la direction a joué sur la peur », a tranché hier Philippe Robin, membre CGT du CE.
Depuis on sait ce qu’il advint : La CGT avait malheureusement raison. L’entreprise Goss a fait faillite en 2013 et a été rachetée à la barre du tribunal de commerce par la maison mère. Cette cession exonérait l’entreprise d’un coûteux plan social, mais elle a été annulée en décembre 2015 par les juges. La centaine de salariés qui avait été reprise s’est retrouvée le bec dans l’eau. Plus d’employeurs, plus de salaires, a dit en substance le groupe américain. Mais jeudi soir, la CFDT et la CFE-CGC ont obtenu gain de cause.
Le feuilleton Goss pourrait trouver rapidement sa conclusion. Les salariés, prochainement licenciés, avec leurs indemnités et leur solde de tout compte, réglés par l’AGS, l’Association de garantie des créances des salariés.
L’accord global prévoit aussi le versement de six mois de salaire brut aux 500 salariés et ex-Goss, contre l’abandon de tout recours en justice. Une facture salée pour l’AGS, (belle solidarité des employeurs qui vont payer à la place du groupe GOSS) estimée à 6 millions d’euros. Mais il restera un goût amer face à la déconfiture d’un géant qui a déserté la France et transféré toutes ses activités à l’étranger.
La CGT en était persuadée, il existait une autre solution que celle du plan social pour Goss. Selon le syndicat, elle résidait dans la production de pièces pour éoliennes dans cette entreprise spécialisée dans les rotatives. Pour les délégués CGT de cette entreprise phare de Montataire et Alain Lebrun, patron du syndicat dans l’Oise, « Tout est là. Il faut juste maintenir voire peut-être développer l’existant. » Selon eux, « Goss Montataire pouvait assurer la maîtrise de fabrication de sept composants d’éoliennes : multiplicateur, arbre principal, système d’orientation de la nacelle, système d’orientation des pâles, châssis de la nacelle, composants électriques, contrôle et commandes et frein ». Il était également possible « d’assurer l’assemblage des nacelles sur le site ».
Une activité complémentaire de celle du géant du secteur, Enercon, qui a installer son usine de mâts non loin de là, à Longueil-Sainte-Marie. Et si les éoliennes semblent bien éloignées des rotatives que fabriquait Goss, les compétences des ouvriers en matière d’assemblage rendaient cette diversification possible, selon la CGT. « Le matériel dont on dispose le permet également, assurait un délégué. Les pièces et les formes sont différentes, mais il suffit de reprogrammer les machines. » L’idée pouvait surprendre, mais n’était pas nouvelle. « En 2008, alors qu’on nous dépeignait une situation et des perspectives difficiles, on avait déjà évoqué cette possibilité », confie Denis Tomczak, secrétaire adjoint du CE et délégué syndical CGT. Pour faire valoir cette idée, Alain Lebrun avait également rappelé que, « dans le cadre du développement durable et de l’énergie propre, l’éolien est en plein essor», surtout dans une région telle que la Picardie, « première de France » dans ce domaine.